I
Souleve ton voile opaque, bruine glacée,
Dit moi pourquoi tout mon être soupire et meurt,
Ne voit rien de l'innaccessible vérité,
Pourquoi il cherche en vain et meurt, pourquoi il pleure
Quand s'emmellent tant de souffrances héritées.
Tout cet être crie son mal et craint la rupture
Sans comprendre, ignorant ce qui est écrit,
Crachant le sang de la rage et de la luxure,
Entendant cette musique sourde qui crie,
Ce violon crispant, grinçant de tant d'usure.
Entendez-vous la voix qui gronde et cherche un toit ?
Qui croyez vous que je maudis, pauvres fous,
Ployant sous cette ignorance, ne sachant quoi,
Ne sachant pas ce que je veux par dessus tout ?
Ce qui ferme mon âme et m'attache, c'est moi.
II
Grise, grise est la ville que les chiens dominent,
Et comme les âmes violées y sont aveugles...
Et les coeurs, la peur au ventre, y crient famine,
Et pour se remplir d'amour la panse qui beugle
Déploient les atours charmants et les belles mines.
Nous regardons ce monde baveux s'étrangler,
Indifférent aux grand sourire d'une belle
Marchandant sur le goudron des instants voilés
À son corps et à son visage aux lèvres frêles,
À son corps si triste dans ses rêves sanglés.
Et tout le long jour, errant, j'ai cherché la nuit
Et ses clartés cristallines, et tout le long jour,
Le nuage du temps passant d'un sombre ennui,
J'ai attendu de pouvoir enfin être sourd
Des éclats humains et être libre de nuit.
III
Et bercé d'indolence et de sanguignolence
J'entrevois par dessus tout les petits toits bleus
des visions très claires d'un inconnu immense,
Multiple mais unique, qui est comme un dieu,
Fait de tout mais caché au dela de nos sens.
Mes joies et mes rancoeurs dansent pour cette idole
Et courent et surgissent mais enfin dispaissent,
Et pour cet être je danse la farandole ;
Hélas près de gagner, chaque fois et sans cesse
Mes ailes se déchirent lorsque je décolle.
De ces sentiments étranges et confondus
Jaillissent des roses rouges qui m'entretiennent
Tout le long du chemin où je cour éperdu
De ces éclats et lambeaux d'amour qui se tiennent
Au bord de mon âme à des échafauds pendus.